Jeudi 6 mai 2021, nous avons lancé le premier rendez-vous santé de l’Everest d’Ernest, en présence du Dr François Vié Le Sage, pédiatre libéral exerçant à Aix-les-Bains, et membre d’un groupe d’expert en vaccinologie.
Dr François Vié Le Sage a généreusement accepté de participer et répondre aux questions des 15 familles présentes.
Rappel sur les microbes, l’immunité, la vaccination en général, puis la vaccination Covid plus spécifiquement, notamment par rapport aux spécificités du syndrome Dup15q.
Retour sur ces 2 heures d’échanges
Qu’est-ce qu’un microbe ?
Il existe 3 types de microbes :
- Bactéries
- Les bactéries, plus grosses que les virus.
- Ex : Streptocoque (Angines), Coqueluche
- Traitement par antibiotique (certaines sont résistantes), prévention par vaccin
- Virus
- Les virus, plus petits que les bactéries, doivent être dans un organisme vivant pour vivre mais peuvent persister quelques heures sur des surfaces inertes ou la peau (mains).
- Ex : Rougeole, Grippe, Varicelle, Oreillons, Rubéole, SARS-Cov-2 (Covid-19)
- Prévention par vaccin, quelques antiviraux pour traiter des formes graves comme HIV.
- Champignons
- Il n’y a pas de vaccin.
- Ex : Mycoses, panaris
- Traitement par antifongiques, pas de vaccins
Comment sont-ils transmis ?
Ils peuvent être transmis :
- par voie aérienne
- par contact
- par voie digestive
Qu’est-ce qu’un antigène ?
C’est une molécule, le plus souvent une protéine, qui est reconnue par l’organisme comme étrangère. Les microbes portent de nombreux antigènes. Ce sont eux qui permettent à notre organisme de les reconnaitre. Certains microbes sont dit « saprophytes » et ne sont plus ou très peu reconnus comme étrangers par notre organisme : peau, système digestif…
Qu’est-ce qu’un vaccin ?
Le vaccin est le seul médicament dont les effets sont à 100% liés à une réaction normale de l’organisme, et est biodégradable.
Le vaccin permet :
- à l’organisme de développer une immunité individuelle qui permet une réduction du risque d’infection
- aussi de développer une protection collective car d’une part, ils agissent (sauf exception) sur le portage sain et d’autre part, la transmission du microbe est plus difficile lorsque le nombre de personnes vaccinées augmente et que l’entourage est vacciné.
Il provoque naturellement des effets secondaires classiques, comme fièvre, douleur locale pour les plus courants.
Quels sont les différents types de vaccins ?
Vaccin vivant atténué
Le microbe est entier et atténué, il ne donne pas la maladie ou très peu.
Ex : Rougeole 5% des cas font une petite rougeole 5-10j après vaccin.
Avantage : Très efficace car très proche de la maladie normale.
Inconvénient : Déconseillé chez personnes avec déficit immunitaire.
Vaccin inactivés
Le microbe est mort. Il est intégré dans le vaccin en entier, ou seulement en partie.
Avantage : On peut le faire à partir de 2 mois, et il est possible chez personnes avec déficit immunitaire.
Inconvénient : Nécessite des rappels.
Est ce qu’on peut tomber malade en étant vacciné ?
OUI. Ça arrive. Aucun vaccin n’est efficace à 100% (25-50% pour la grippe, 95% pour la rougeole).
De plus, la vaccination a besoin d’un certain temps avant d’être efficace. Dans le cas des vaccins contre la Covid, il faut en général 10-15j avant d’obtenir une bonne efficacité.
Quid des composants comme les adjuvants ? A quoi servent-ils ?
Les adjuvants, tels que l’aluminium (un des plus efficaces et des mieux tolérés des adjuvants), que l’on retrouve parfois dans d’autres vaccins, servent à réduire la quantité de microbe à injecter.
Concernant les vaccins contre la Covid actuellement autorisés en France, ils ne contiennent pas d’adjuvant.
Et le bénéfice/risque ?
Une maladie provoque des symptômes, un vaccin des effets indésirables.
Les risques de symptômes graves d’une maladie, parfois similaires aux effets secondaires des vaccins ou médicaments, sont beaucoup plus importants et fréquents lorsqu’on attrape la maladie que lorsqu’on se fait vacciner.
C’est le principe de base de la balance bénéfice / risque. Il est beaucoup moins risqué d’avoir des effets secondaires graves que d’avoir des symptômes graves en cas de maladie.
Un médicament n’est pas commercialisé si son bénéfice n’est pas significativement supérieur au risque encouru par la vaccination ou l’absorption du médicament.
Pourquoi il n’y avait pas de vaccin ?
Pour la Covid-19, il n’y avait pas de vaccin car il n’y avait pas de maladie, sauf le SRAS de 2002[1] et le MERS de 2012[2], maladies dues à des coronavirus mais qui ne sont jamais passées au stade pandémique !
Les coronavirus « habituels » étaient peu virulents, souvent présents dans les pathologies respiratoires de la petite enfance. Il n’avait jamais été nécessaire de développer des vaccins.
[1] Le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) est la première maladie grave et transmissible à émerger en ce XXIe siècle. L’épidémie, partie de Chine fin 2002, a éclaté au niveau mondial en 2003 faisant plus de 8000 cas et près de 800 morts. Grâce à une mobilisation internationale sans précédent, motivée par l’alerte mondiale déclenchée le 12 mars 2003 par l’OMS, l’épidémie a pu être endiguée par des mesures d’isolement et de quarantaine. De même, l’agent causal du SRAS, un coronavirus inconnu jusqu’alors, a pu être rapidement identifié. Pas de vaccin.
[2] MERS-CoV pour Coronavirus du Syndrome Respiratoire du Moyen-Orient, il touche le tractus respiratoire et est responsable de fièvre et de toux, pouvant entrainer la mort dans environ 30% des cas. Pas de vaccin.
Pourquoi la covid s’est développée en pandémie ?
Les facteurs qui augmentent le risque qu’une épidémie (local) devienne une pandémie (mondial, universel) :
- Transmission importante, rapide, et accentuée par les personnes asymptomatiques.
- Période de contagiosité longue.
- Virus non reconnu par l’organisme, car nouveau (mutation importante, nouveau variant)
Tous ces facteurs sont présents dans la Covid.
Les enfants sont peut-être un peu protégés par l’immunité « entraînée » résultant de contacts très fréquents avec des virus coronavirus « habituels ».
Les vaccins à ARNm (Pfizer-BioNTech / Moderna) contre la Covid-19
On injecte un ARNm qui code pour la fabrication de la protéine Spike, principal antigène du SARS-Cov-2 (nom du virus de la Covid). Très fragile, il est contenu dans une nanoparticule lipidique.
L’organisme va développer ses défenses immunitaires contre cette protéine et reconnaître le virus du SARS-CoV-2. Ce sont nos propres cellules (en général cellules musculaires à proximité de l’injection) qui fabriquent elles-mêmes la protéine antigénique.
Est-ce que le vaccin se diffuse partout dans l’organisme ?
Il n’y a pas de prolifération dans l’organisme. L’ARNm est très fragile donc disparaît rapidement. L’ARNm n’entre pas dans le noyau.
Comment ces nouveaux vaccins ont-ils pu être développés si vite ?
- Cette technique est étudiée depuis 10-15ans, en essais depuis longtemps, en vétérinaire, contre Ebola.
- L’apport de financement des Etats très important et mondial a également permis à la recherche d’avancer plus vite.
- Ces vaccins sont faciles à produire, facile à transformer pour les mutants.
Vaccin à vecteur viral. (Astra Zeneca Johnson & Johnson)
Le vaccin utilise un virus vivant non réplicant, qui ne provoque pas de maladie chez l’homme.
On introduit dans ce virus l’ADN qui code pour la protéine spike.
Le virus une fois dans la cellule, va synthétiser de l’ARNm et la cellule va produire la protéine spike selon le même mécanisme que les vaccins à ARNm.
Inconvénient : ils sont déconseillés chez les personnes atteintes de déficit immunitaire.
Quid de la sécurité / pharmacovigilance ?
Ces vaccins sont très bien supportés, il existe de rares réactions anaphylactiques comme tous les vaccins.
Il est normal de découvrir des cas d’effets secondaires lorsqu’il y a un nombre exceptionnel de personnes vaccinées à travers le monde.
Tous les symptômes sont signalés, cela ne signifie pas qu’ils sont provoqués par le vaccin.
Ex : un trouble digestif suite à une indigestion sera également reporté après un vaccin, mais ne sera probablement pas provoqué par le vaccin.
Quid des Thromboses ?
Quelques très rares personnes vaccinées ont des thromboses probablement induites par le vaccin, principalement chez les personnes de moins de 55 ans.
Le risque de thrombose est cependant 10 fois plus élevé en attrapant la maladie qu’en étant vacciné.
Comment ces nouveaux vaccins ont-ils pu être développés si vite ?
- Si c’est une phlébite sur une varice, il n’y a pas de contre-indication,
- Si c’est une thrombose profonde cérébrale ou digestive, les vaccins à adénovirus sont contre-indiqués.
Le vaccin donne toujours une réaction inflammatoire. C’est cette réaction inflammatoire qui attire les globules blancs entrainant un bon développement de l’immunité.
Est-ce que l’on peut faire une 2nde dose à ARNm après un vaccin à adénovirus ?
Oui, c’est probablement une piste très intéressante. Car il est possible que cela améliore la protection. Un rappel peut donc être réalisé avec un autre vaccin. C’est le principe du vaccin russe Spoutnik, et la raison de l’autorisation de 2ème dose avec un vaccin à ARNm après une 1ère dose de vaccin Astra Zeneca.
Est-ce que les vaccins modifient l’ADN ?
Non, cela ne modifie pas l’ADN, car cela ne rentre pas dans le noyau.
Combien de temps dure l’immunité ?
L’immunité dure au moins 9 mois selon les dernières données scientifiques. Il faut 10-15j pour être efficace après la 1ère dose. Idem après 10-15j pour la seconde dose.
Cela peut varier en cas d’apparition de variants résistants.
Quel est le vaccin le plus efficace ?
Ils sont tous très efficaces.
- Efficacité des vaccins à ARNm : très efficace : 90% sur la maladie et la transmission (notamment chez les asymptomatiques).
- Efficacité des vaccins à Astra Zeneca : 60-70% mais très efficace sur la maladie et les formes graves. Problème avec le variant sud-africain.
- Vaccin Johnson & Johnson plus efficace sur le variant africain que l’Astra Zeneca.
Attention, l’efficacité va peut-être varier avec les variants « à venir ».
Attention à la dette immunitaire
Durant la pandémie de Covid-19, il n’y a pas eu beaucoup de grippes, peu de bronchiolites. Ces pathologies risquent d’augmenter lors des déconfinements ou à la fin de la crise covid.
Pourquoi les enfants sont moins touchés par la Covid ?
Ils sont plus souvent en contact avec des coronavirus que les adultes, et donc développent probablement une immunité entrainée plus efficace que les adultes.
L’arrivée des variants plus contagieux augmente malgré tout le nombre de personnes touchées, y compris des enfants.
Est-ce que des études sont réalisées sur l’efficacité des vaccins chez l’enfant ?
Oui, des études menées chez les 12-17 ans ont montré des résultats spectaculaires, probablement dû au fait que c’est l’âge auquel l’immunité est la plus performante.
Actuellement, les essais du vaccin Moderna (ARNm) débutent chez l’enfant à partir de 2 mois.
Plus les adultes seront bien vaccinés, plus les enfants seront également protégés. Mais malgré cela, il sera probablement recommandé de vacciner les enfants aussi, pour protéger des éventuels nouveaux variants.
Quid des vaccins chez l’enfant Dup15q ?
Compte tenu qu’ils sont en centre spécialisé, à l’école, en collectivité, ils ont un risque de transmission, notamment via le personnel encadrant. Les hospitalisations pouvant être également plus fréquentes, une bonne vaccination est particulièrement recommandée. La situation de handicap rend aussi les mesures barrières plus difficiles à mettre en place.
L’enfant Dup15q est-il prioritaire ?
Non, une personne atteinte du syndrome Dup15q n’est pas prioritaire, un des facteurs de risque majeur étant l’obésité.
Est-ce que le vaccin marche aussi bien chez ces enfants dont l’ADN n’est pas comme tout le monde ?
Le Dup15q touchant une région n’impactant pas l’immunité, il n’y a pas de raison que le vaccin ne fonctionne pas bien.
Faut-il le faire lorsque le vaccin sera disponible ? Pour les enfants ? Pour les parents ?
Oui, c’est recommandé. En attendant, vacciner l’entourage réduira également les risques, tout en permettant à l’entourage (famille, aidants, …) de pouvoir continuer à s’occuper de ces enfants qui nécessitent une attention particulière.
J’ai déjà été cas contact ? ou j’ai été malade ? Est-ce que je dois faire le vaccin ?
- En cas de maladie Covid confirmée (même asymptomatique) : 1 dose 6 mois après la maladie.
- En cas d’absence de confirmation (même avec des symptômes évocateurs) : vaccination normale.
Date : 06 mai 2021.